(Article) Les syndicats anti-phylloxériques du canton de Beaujeu

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(Article) Les syndicats anti-phylloxériques du canton de Beaujeu
Eléments primordiaux de la sauvegarde de la vigne dans l'ensemble de la France, les syndicats anti-phylloxériques ont eu un grand impact dans le Beaujolais.

Synonyme de démocratisation du syndicalisme paysan et rural, d’organisation rationnelle de la lutte contre le phylloxéra, de progrès de la science en agriculture, d’émulation, mais aussi de luttes politiques entre les notables locaux, la création des syndicats anti-phylloxériques est une étape importante de la lutte contre le phylloxéra et le signe d’une évolution de la viticulture dans le Beaujolais.

Les origines

Le 5 décembre 1879, le premier syndicat de lutte contre le phylloxéra est formé à Chiroubles, commune symbole de la lutte contre le puceron dans le Beaujolais. En effet, de cette commune est originaire Victor Pulliat, ardent partisan de la lutte, dynamiseur formidable et instigateur de nombreuses mesures en faveur de la sauvegarde du vignoble beaujolais.

Cette première création sera suivie de nombreuses autres. Le but premier de ces syndicats est simple : aider les propriétaires de vignobles à lutter contre l’invasion du phylloxéra. Si leurs fonctions d’organisateurs de la lutte et de conseillers constituent une part non négligeable du rôle des syndicats anti-phylloxériques, leurs activités se concentrent essentiellement sur l’obtention de subventions pour l’utilisation du sulfure de carbone. La lutte qui est alors engagée consiste principalement, dans le Beaujolais et dans tout le département, à traiter les pieds de vignes à l’aide de sulfure de carbone qui, une fois aspergé sur le cep, est censé asphyxier le puceron. Cette technique réclame cependant des moyens financiers certains, pour se procurer le matériel, mais surtout pour acheter le sulfure de carbone, particulièrement coûteux. L’Etat conseille alors la constitution de syndicats de lutte contre le phylloxéra.

Encourager la création de nouveaux syndicats

En 1881, une nouvelle étape est franchie lorsque, constatant le développement de la maladie, la Commission supérieure du phylloxéra propose d’allouer, suivant un acte du ministère de l’Agriculture du 27 décembre 1881, une subvention de 50 francs par hectare aux anciens syndicats et une subvention de 80 francs aux nouveaux. S’ensuit une vague de création de syndicats dans toutes les communes du canton de Beaujeu. L’enthousiasme prend le pas sur la raison et la multiplication de ces syndicats freinent leurs fonctionnements.

Dès 1883, une nouvelle mesure recentre le rôle des syndicats et leur donner la rationalité dont ils manquaient. Dans une lettre du préfet du Rhône adressée aux maires des communes touchées par le phylloxéra, datant du 21 juillet 1883, il est conseillé à l’autorité communale d’encourager la réunion en association syndicale des viticulteurs et propriétaires viticoles. Cependant, on insiste sur les avantages qu’il y a à ne former qu’un seul syndicat par commune pour diminuer les frais généraux. Certaines communes comptent parfois plusieurs syndicats pour un nombre d’adhérents souvent réduit. Paradoxalement, c’est à partir de cette date que l’on voit se multiplier le nombre de syndicats au sein d’une même commune. En 1884, à Villié-Morgon par exemple, on ne compte pas moins de sept syndicats dont le plus important réunit seulement une cinquantaine d’adhérents. Cette multiplication des syndicats semble pouvoir s’expliquer de diverses manières. La cause la plus récurrente semble être d’ordre politique. Ces syndicats, qui regroupent essentiellement des propriétaires fonciers, et parfois de grands notables, deviennent un lieu de lutte et d’influences pour différents grands propriétaires fonciers. Constituer un syndicat de lutte anti-phylloxérique, en augmenter son nombre d’adhérents et y obtenir des résultats positifs est synonyme de renommée locale et de reconnaissance politique.

Multiplicité et disparité des syndicats

La création de nouveaux syndicats semble également répondre aux problèmes rencontrés au sein des syndicats formés précédemment. Ainsi, lorsque les règles propres à un syndicat veulent être modifiées et que les autorisations préfectorales tardent à venir, il n’est pas rare de voir se former un nouveau syndicat au sein d’une commune qui en comptait déjà un. Les maires des communes touchées vont dans ce sens. Etant en contact direct avec les cultivateurs et les propriétaires, les maires sont plus à même d’observer les évolutions du fléau. Ils comprennent directement les nouveaux problèmes qui se créent au fur et à mesure que la maladie se développe.

Ces syndicats sont organisés différemment selon les départements. Par exemple, au plus fort de la crise, des propriétaires de la commune de Juliénas veulent créer en 1885, un syndicat de lutte dont les règles de fonctionnement sont semblables à celles en vigueur dans le département limitrophe de Saône-et-Loire. Or, le fonctionnement d’un tel syndicat dans le Rhône diffère, ce qui provoqua son interdiction. On constate donc que la lutte contre le phylloxéra n’est pas uniforme et que la réactivité de la Préfecture face aux besoins et aux exigences des viticulteurs ne tient ni compte des progrès de la maladie ni des problèmes des agriculteurs.

Malgré l’importance des syndicats et leur aide aux cultivateurs, il faut noter de nombreux dysfonctionnements. Certes, l’aide financière et les conseils permettent la survie de nombreux exploitants et de nombreux domaines viticoles. Cependant, une réglementation trop stricte est probablement une cause non négligeable de la ruine qu’a connu le canton de Beaujeu au cours de cette crise. Ainsi, les propriétaires ne peuvent adhérer à une organisation syndicale qu’au début d’un nouvel exercice. On comprend alors mieux le développement rapide de la maladie mais aussi la ruine financière de bon nombre d’exploitants entraînant quelques exodes ruraux.

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