(Article) La propriété foncière dans le canton de Beaujeu de 1870 à 1900

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(Article) La propriété foncière dans le canton de Beaujeu de 1870 à 1900
Région de petites propriétés foncières dominée par la grande propriété viticole des notables locaux et bourgeois lyonnais, le Beaujolais se démocratise.

Au début du XIXe siècle, un important transfert de terres s’effectue entre les rentiers du sol et les cultivateurs du Beaujolais. Ce mouvement permet le début d’une conquête foncière par les cultivateurs en tous genres, mais aussi une élévation générale de la propriété paysanne.

La multiplication du nombre de cotes foncières

Vers 1850, les partages successoraux contribuent au morcellement des biens fonciers, même si on assiste également à un recul très net des divisions de domaines par la vente. La démocratisation foncière esquissée au début du XIXe siècle perd de sa vitalité. Les rentiers du sol reprennent le contrôle du marché foncier beaujolais.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce sont grâce aux multiples crises de la viticulture de la fin du XIXe siècle que le marché foncier beaujolais retrouve un nouvel élan. Le phylloxéra va permettre à tout le secteur viticole et au marché foncier de sortir de leur torpeur respective et de relancer le processus de démocratisation du sol. Ce constat particulièrement visible dans les communes viticoles demeure vrai pour les communes montagneuses du canton de Beaujeu, à un degré moindre.

Le Beaujolais: une région de petite propriété

Le canton de Beaujeu est une région marquée par la petite propriété foncière. Les héritages historiques, comme l’archaïque système de vigneronnage, ont façonné la propriété de telle sorte qu’une multitude de petits propriétaires côtoient une élite foncière, grande consommatrice d’espace. Ainsi, la Révolution de 1789 n’a pas effacé totalement les inégalités foncières. La raison première est le mode de culture pratiqué dans la région. Ce vigneronnage, hérité des pratiques médiévales, consiste en un partage équitable des récoltes entre l’exploitant et le propriétaire. Ce dernier doit fournir au cultivateur les bâtiments ainsi que le matériel nécessaire à la pratique culturale mais demeure l’unique propriétaire terrien.

Maintenu dans un état de dépendance constante à l’égard de celui qu’il appelle volontiers maître, le cultivateur du Beaujolais est contraint de pratiquer une polyculture vivrière pour espérer, vers la fin de sa vie, acheter un lopin de terre.

La progressive démocratisation du sol

La démocratisation du sol dans le canton de Beaujeu est encore lente à la fin du XIXe siècle. La grande propriété, qu’elle soit citadine ou locale, contrôle l’ensemble du marché. Elle est très active en terme de vente et d’achat et se singularise par une forte présence dans l'ensemble du monde rural. Le notable est aussi souvent le riche propriétaire local.

Après une ère de prospérité agricole sans précédent, le paysage foncier se diversifie et les paysans du Beaujolais profitent de l’augmentation du nombre de cotes foncières pour devenir propriétaires terriens. L’invasion phylloxérique va inverser la donne. La mise en valeur des terres paysannes est de plus en plus difficile et, pour éviter l’endettement, la petite propriété n’a d’autre recours que la vente à bas prix. L'augmentation des cotes foncières permet à certaines classes sociales moins aisées – les commerçants et les artisans –, d’accéder à la propriété. Si la grande propriété ne connaît aucun ralentissement de son emprise foncière, force est de constater que le paysage des propriétaires fonciers tend à se diversifier lentement.

Si la démocratisation foncière a du mal à prendre racine, on observe cependant que la moyenne propriété sort renforcée de la crise. Un nombre croissant de commerçants et d’industriels devient propriétaire terrien à la fin du XIXe siècle. Si leur nombre reste limité, il faut tout de même signaler cette mutation. A l’image des acquisitions paysannes, les propriétaires moyens ne peuvent constituer des domaines agricoles viables; leurs propriétés sont morcelées et dispersées. Néanmoins, une ère nouvelle semble s’ouvrir à la suite de la crise phylloxérique.

L’ère de la monoculture de la vigne

Les ravages causés par le phylloxéra entraînent des modifications singulières dans le paysage foncier du canton de Beaujeu. Au plus dur de la crise, le dynamisme des ventes repose en grande partie sur les transactions de terres labourables et de vassibles, terres incultes où pâturaient les moutons et les chèvres des vigneronnages. Une fois le processus de reconstitution en plants américains greffés mis en place, ces terres gagnent en intérêt. Le Beaujolais s'oriente sur la voie de la monoculture viticole et, de ce fait, un attrait tout particulier est porté aux terres vierges. On étend les surfaces plantées en vigne et la mise en valeur des terres se développe.

Pour conclure, les transactions foncières dans le canton de Beaujeu entre 1870 et 1900 révèlent un ralentissement de la démocratisation du sol. Si ce processus semble freiné par l’extension de la grande propriété locale, on note que le développement de la moyenne propriété, en particulier la propriété citadine, est en net progrès. La paysannerie du canton de Beaujeu ne profite pas de la crise phylloxérique pour étendre son appropriation foncière. Elle en subit les conséquences et voit son rôle foncier diminuer de façon importante. La principale bénéficiaire de la relative démocratisation du sol est la moyenne propriété des commerçants et artisans. Le manque de liquidités, le problème de la division des terres et des partages successoraux freinent constamment l’accession à la propriété des paysans beaujolais.

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