(Article) La cave coopérative de Fleurie : histoire d'une naissance

Publié le par Stéphane Guillard

La cave coopérative à ses débuts

La cave coopérative à ses débuts

      Après la Première Guerre mondiale, l'agriculture française est en proie à de grandes difficultés. Les crises économiques se succèdent. Les viticulteurs du Beaujolais ne sont bien évidemment pas épargnés. Après les catastrophes de la fin du XIXème siècle (maladies destructrices de la vigne, chute de la production viticole...) et les effets qui en découlent (mévente, importation de vins étrangers, baisse des prix...), les méfaits de la guerre et le manque de bras se font ressentir.

      L'agriculture est alors en pleine restructuration et la viticulture se modernise à l'image du monde. L'utilisation plus généralisée d'engrais, de produits chimiques et la mécanisation de l'agriculture marquent l'entrée dans une nouvelle ère de modernité. Cependant, les progrès amorcés et espérés ne signifient pas toujours prospérité immédiate. Pour aborder de la meilleure manière possible l'arrivée d'une viticulture moderne, les populations beaujolaises choisissent de réunir leurs efforts au sein de groupements viticoles. L'histoire des caves coopératives beaujolaises est née.

(Article) La cave coopérative de Fleurie : histoire d'une naissance

La naissance de la cave coopérative de Fleurie

     

      En novembre 1926, certains propriétaires viticoles fleuriatons décident de s’unir pour créer une cave coopérative dans le village. L’objectif est très simple : mettre en commun les talents et les moyens matériels afin de permettre aux viticulteurs qui ne disposaient pas de locaux et d’équipements vinicoles d’exercer leur activité.

      Le 26 juin 1927, se tient la toute première assemblée constitutive qui marque le début du coopérativisme viticole dans la commune de Fleurie. Claudius Chervet en devient le premier président et le village de Fleurie la première commune du Beaujolais à être dotée d’une telle structure. Une vente collective de raisins est alors décidée. Cette date est la première trace moderne d'une forme de coopérativisme d'envergure entre des viticulteurs du Beaujolais. Il n'est alors question que de rassembler les récoltes en raisins de plusieurs coopérateurs afin d'assurer une vente plus efficace mais malgré tout l'événement reste marquant. Cette année 1927 devient une date importante de l'histoire de la commune puisque la cave coopérative, en plus d'être la plus ancienne du Beaujolaise, devient rapidement le fer-de-lance de la viticulture locale.

      Au départ, plus de 80 coopérateurs se regroupent pour défendre leurs intérêts, unir leurs forces, leurs compétences et s'entraider mutuellement. L'union des viticulteurs doit également servir à les émanciper et à obtenir une plus juste rémunération de leurs raisins et de leurs vins. La question sous-jacente de la dépendance vis-à-vis du négoce demeure évidemment une des causes de la naissance de la cave coopérative de Fleurie.

      Il est rapidement décidé de construire des bâtiments pour accueillir les raisins des coopérateurs et créer ainsi un espace commun pour la vinification. Rappelons qu'à cette époque encore, les agriculteurs n'ont pas un recours systématique aux emprunts bancaires pour s'équiper en matériel. La mécanisation et la modernisation opérées dans la viticulture au lendemain de la Première Guerre mondiale ne sont pas accessibles à tous car les investissements et les frais engendrés sont souvent prohibitifs. Il est donc fréquent de voir les agriculteurs se prêter le matériel, de façon informelle, ce qui crée parfois quelques querelles de voisinage. Cette cave coopérative doit donc servir à formaliser l'entraide entre viticulteurs fleuriatons mais également servir de vitrine à la modernisation de la viticulture locale.

      En 1932, les bâtiments de la coopérative sont inaugurés à l'entrée du village, sur la route de Villié-Morgon. Au cours des décennies, de nombreuses transformations sont opérées, des agrandissements et des améliorations sont apportés aux bâtiments d'origine afin de faire face à l'afflux de coopérateurs et afin de disposer de bâtiments et d'équipements en phase avec les évolutions de la viticulture.

1955 : jour de Beaujolais nouveau à la coopérative de Fleurie

1955 : jour de Beaujolais nouveau à la coopérative de Fleurie

Le rôle de la famille Chabert

     

      A la fin des années 1920, François Chabert abandonne le métier de charcutier et devient propriétaire-exploitant. En 1932, il devient président de la coopérative de Fleurie. Le fonctionnement en était très simple : les adhérents de la coopérative apportent à la cave les fruits de leurs récoltes pour qu'ils y soient sélectionnés, contrôlés, transformés et vinifiés. Chaque exploitant conserve néanmoins son indépendance lors de la commercialisation. Les vins portent le nom du domaine et de l'exploitant. Seul le matériel de vinification et la gestion des affaires courantes de la cave (entretien du matériel ou achat de produits divers, par exemple) sont mises en commun. Dans un petit village de l'Hérault par exemple, à Maraussan, la devise de la cave coopérative vinicole créée en 1901 est « Tous pour chacun, chacun pour tous ».

      Née le 30 juillet 1899 à Fleurie, Marguerite Chabert, la fille de François, marche sur les traces de son père et devient elle aussi viticultrice. Elle grandit d'abord dans l'environnement familial du magasin de charcutier de son père, situé dans le bourg du village, avant d'accompagner ce dernier au cœur des vignes fleuriatonnes.

      En 1946, après les restrictions de Vichy, la coopération agricole est en plein essor en France. Une loi sur les CUMA (Coopérative d'utilisation de matériel agricole) est même promulguée dès 1945, facilitant le développement du coopérativisme agricole. En 1946, Marguerite Chabert est élue présidente de la cave coopérative de Fleurie, fonction qu'elle occupe jusqu'en 1984. Devenue la première femme présidente d'une cave coopérative en France, elle participe activement au développement de la structure grâce à un engagement sans faille et à une forte personnalité. Marguerite Chabert évolue dans un univers principalement masculin mais son franc-parler et sa confiance font fureur.

      Modernisatrice, elle décide d'imposer aux coopérateurs les dates des vendanges et d'entrée du raisin en fonction de sa maturité. Le classement des zones et des dates de récolte étant affiché à l'entrée de la coopérative. Douée d'inventivité, elle l'était assurément. En 1960, les cuves de la cave coopérative furent pleines avant que les coopérateurs aient pu amener toute leur récolte. Elle eut l'idée de se servir d'un réservoir d'eau communal, pas encore mis en service, pour tout stocker.

      Fière de son terroir, elle mettait toujours en avant les vins de Fleurie et était une ambassadrice de la cave. Commerçante, elle l'était aussi en sillonnant les routes pour vanter les mérites du Beaujolais.

      En 1966, Marguerite Chabert reçu la croix de chevalier de l’ordre du mérite national. Le 10 juillet 1975, son dévouement et sa passion furent décorés d'une Légion d'honneur que tout le Beaujolais saluait d'une bouteille de Fleurie. Elle mourut le 30 juillet 1992.

Marguerite Chabert

Marguerite Chabert

La cave coopérative de Fleurie, aujourd'hui

     

       Pour rendre hommage à Marguerite Chabert, la cave coopérative de Fleurie a créé deux cuvées portant son nom « Subtil » et « Intense ». Une fresque la représentant se trouve à proximité de la cave coopérative depuis le 7 mai 2011.

     Aujourd'hui, la coopérative de Fleurie réunit 280 adhérents cultivant 300 hectares sur 13 appellations différentes. Les crus fleuriatons sont évidemment très bien représentés mais s’y ajoutent aussi les Chénas, Morgon, Brouilly, Chiroubles, Saint-Amour, Régnié, Juliénas, Moulin-à-Vent, Beaujolais-Villages, Beaujolais, Bourgogne Blanc et Beaujolais Blanc.

      Dans les années 1990 et 2000, la cave coopérative a poursuivit sa modernisation sur le plan commercial. En 1997, trois cuvées « terroir » sont lancées : « les Garants », « la Madonne » et « la Chapelle-des-Bois ». En 2003, une boutique est inaugurée : elle fait la part belle aux vins du Beaujolais.

      Dans un univers viti-vinicole toujours plus concurrentiel et mondialisé, quel peut être l’avenir de ce genre de structure coopérative ? Quelle image le consommateur actuel de vin a-t-il de ce modèle ? Comment se renouveler et s’adapter aux exigences du monde contemporain sans renier les principes de base du coopérativisme ? Bien des questions semblent se dresser sur le chemin des coopérateurs fleuriations, beaujolais et autres ! Quelles réponses sauront-ils apporter ?

1963 : l'arrivée d'une récolte à la coopérative
1963 : l'arrivée d'une récolte à la coopérative
1963 : l'arrivée d'une récolte à la coopérative

1963 : l'arrivée d'une récolte à la coopérative

A voir également, quelques vieilles photographies de Fleurie !

http://stephane.guillard.over-blog.com/2014/06/fleurie-en-images.html

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